Captifs de Deerfield: Nims, Rising et Allen
Venez découvrir l'histoire fascinante de trois enfants de Deerfield au Massachusetts, qui ont été enlevés et emmenés au Québec en 1704 par les troupes françaises et leurs alliés autochtones. Abigail Nims, Josiah Rising (qui est devenu Raizenne) et Sarah Allen sont restés en Nouvelle-France et sont les ancêtres de milliers de Canadiens français aujourd'hui.
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Nos ancêtres captifs du raid de Deerfield en 1704
Imaginez-vous marcher plus de 480 kilomètres depuis une petite ville du Massachusetts jusqu'à Fort Chambly, au Québec [Nouvelle-France], en plein hiver, à travers d’épaisses couches de neige, des rivières et des rapides à moitié gelés, rencontrant toutes sortes d'animaux sauvages le long du chemin. Imaginez maintenant que c'est l'année 1704 et que vous êtes très mal équipé pour ce voyage par rapport aux normes d'aujourd'hui. Et enfin, imaginez que vous n'êtes qu'un enfant, kidnappé par des guerriers français et autochtones, et votre nouveau « maître » indigène est celui qui vous emmène dans ce voyage de retour chez lui.
C’est exactement ce qui est arrivé à mes 7e arrière-grands-parents, Abigail Nims et Josiah Rising et à ma 8e arrière-grand-mère Sarah Allen.
Abigail, la fille de Godfrey Nims et de Mehitable Smead, est née en 1700 à Deerfield, Massachusetts, qui faisait alors partie des colonies de la Nouvelle-Angleterre. Josiah, fils de John Rising et Sarah Hale, est né à Suffield vers 1694, mais vivait avec son oncle à Deerfield en 1704. Sarah, fille d'Edward Allen et Mercy Painter, est née en 1692 à Deerfield. À cette époque, la population de Deerfield était inférieure à 300 habitants, composée principalement de jeunes familles pratiquant l'agriculture de subsistance. Ils étaient des puritains dévoués. L'emplacement de Deerfield, cependant, ne leur a pas fourni la vie tranquille qu'ils recherchaient. Le village était isolé, à la frontière de la colonie anglaise. Deerfield est devenue une cible de conflits entre les français et les anglais, chacun soutenus par leurs alliés indigènes.
Au cours des décennies qui ont précédées le raid de Deerfield en 1704, il y a eu de nombreuses attaques contre les colons anglais, ainsi qu'envers les villages « indiens ». Ces attaques furent menées dans le cadre de la guerre du roi Philip, puis de la Première guerre intercoloniale (King William's War en anglais) et enfin de la Deuxième guerre intercoloniale (Queen Anne’s War en anglais). En conséquence, les villageois de Deerfield vivaient dans la peur constante des attaques de représailles. Pour se préparer à une telle éventualité, les palissades de la ville (un mur en piquets de bois) ont été fortifiées et agrandies en 1703. En octobre de la même année, deux villageois de Deerfield ont été capturés dans une embuscade et emmenés au Canada. Des soldats ont été postés autour du village en réponse, mais comme le reste de l'année s'est écoulé sans autre incident, ils ont été retirés. Au début de 1704, Joseph Dudley, le gouverneur du Massachusetts, fut informé par les Iroquois d'une possible attaque française et indigène, mais ne reçut aucun détail quant au moment ou l'endroit où elle aurait lieu. En février, un groupe de 20 miliciens fut envoyé pour protéger Deerfield. Ils étaient soutenus par environ 70 citadins sous le commandement du capitaine Jonathan Wells.
Pendant ce temps, de l'autre côté de la frontière au Fort Chambly, une force d'environ 250 hommes était en train d'être rassemblée, dirigée par Jean-Baptiste Hertel de Rouville. Elle était composée d'une cinquantaine de soldats français et canadiens et d'officiers des Compagnies Franches de la Marine, ainsi que des guerriers indigènes dont les Wôbanaki (Abenaki, Pennacook, Sokoki, Pocumtuck et autres), les Wendat (Iroquois Hurons) et les Nations Kanienkehaka (Iroquois Mohawks). Alors que ces hommes se dirigeaient au sud vers les colonies de la Nouvelle-Angleterre, ils ont été rejoints par environ 30 à 40 hommes Pennacook de Cowass (aujourd'hui Newbury au Vermont). Deerfield n'était pas une cible particulièrement importante – elle a simplement été choisie en raison de son emplacement, étant la colonie de la Nouvelle-Angleterre la plus proche de la base française de Chambly.
Le raid de Deerfield a eu lieu le 29 février 1703/1704 (selon le calendrier julien) ou le 11 mars 1704 (selon le calendrier grégorien toujours en usage aujourd'hui). Les français et indigènes ont laissé la plupart de leur équipement et fournitures à environ 3 kilomètres de la ville et ont observé les villageois s'installer pour la nuit. Certains rapports suggèrent qu'un seul homme était en poste pour garder la ville. À l'approche du village, les assaillants ont remarqué que des congères de neige avaient pratiquement atteint le sommet de la palissade, permettant à quelques-uns de la grimper facilement et de déverrouiller le portail pour laisser entrer le reste des guerriers.
« L'ennemi sauvage est venu sans bruit au-dessus des palissades au coin nord-ouest, où les vents d'hiver avaient soulevé les plus fortes congères et se sont répartis dans les maisons paisibles. Viennent ensuite les cris de guerre terribles, les coups de hache sur les portes résistantes, le saut des flammes et le fracas des mousquets. » [i] [Notre traduction]
Avec des visages peints et des cris de guerre hurlants, les indigènes lancèrent leur attaque. Les pillards sont passés d'une maison à l'autre, baïonnettes ou tomahawks à la main, tuant les résidents à l'intérieur ou les faisant prisonniers. Les objets de valeur ont été volés et certaines maisons ont été incendiées. Seules quelques maisons dans la partie sud de Deerfield ont été défendues avec succès.
« À la fin de la bataille, les deux seules maisons à l'intérieur de la palissade qui n'étaient pas des ruines fumantes étaient celles si bravement défendues ainsi que la maison de garnison. Cette dernière fut pillée, et lorsque l'ennemi a commencé sa retraite, elle fut incendiée. Cependant, elle a été sauvée par les efforts des quelques Anglais qui avaient échappé à la mort et à la capture et étaient toujours dans le village. Au fil du temps, ce bâtiment fut connu sous le nom de « The Old Indian House » (la vielle maison Indienne). […] L'ancienne porte, remplie de clous et entaillée par des tomahawks indiens, a heureusement été conservée. » [ii] [Notre traduction]
Tôt le lendemain matin, des miliciens des villages voisins de Hadley, Hatfield et Northampton sont arrivés, provoquant la fuite des assaillants. Les miliciens ont poursuivi, ainsi que les soldats de la garnison et les résidents, mais des escarmouches meurtrières dans les North Meadows (prairies du nord) les ont finalement forcés à se retirer. Deux habitants, deux soldats et cinq miliciens sont morts dans ce qui est maintenant appelé le « combat des prairies ». Du côté des attaquants, 22 Français ont été blessés (dont de Rouville) et deux tués. Sept Autochtones ont été tués et de nombreux autres blessés.
L'attaque a dévasté le village de Deerfield : 17 des 41 maisons ont été détruites, 38 villageois et 3 soldats ont été tués, et 109 résidents ont été faits prisonniers, ainsi que trois Français qui vivaient parmi eux. Environ 40% de la population de Deerfield a effectivement été kidnappée, la majorité étant des femmes et des enfants. Les agresseurs autochtones avaient l'intention d'adopter les plus jeunes captifs dans leurs communautés ou de les vendre. Parmi les captifs se trouvaient le révérend de la ville, John Williams, ainsi que mes trois ancêtres, Abigail, Josiah et Sarah. En 1707, Williams a écrit un compte-rendu de son expérience intitulé The Redeemed Captive Returning to Zion.
Un long voyage vers le nord
Et c'est ainsi que commença la randonnée de 480 kilomètres de mes ancêtres au Canada en plein hiver. Sur les 112 captifs qui ont entrepris le voyage, seuls quelques-uns ont pu s'échapper. Les ravisseurs ont dit au révérend Williams de transmettre un message au groupe : tous les évadés capturés seraient torturés. Personne d'autre n'a tenté de fuir à partir de ce moment-là. De plus, Williams et les autres hommes étaient ligotés tous les soirs.
Le révérend Williams a décrit comment les villageois se sont sentis en quittant Deerfield: « Qui peut dire quels sons ont transpercé nos âmes, quand nous nous sommes vus emportés du sanctuaire de Dieu, pour aller dans une terre étrange, exposée à tant de labeurs ; le voyage d'au moins 300 miles dont nous devions voyager ; la neige jusqu'aux genoux, et nous n'avons jamais enduré de telles épreuves et fatigues ; l'endroit où nous devions être transportés, un pays papiste. » [iii] [Notre traduction]
Une fois que le groupe avait traversé la rivière au nord de la ville et atteint le pied d'une montagne, les captifs ont été forcés de retirer leurs chaussures et à mettre des mocassins (chaussures traditionnelles en peau de cerf ou autre cuir) afin de pouvoir marcher dans la neige plus rapidement.
Des 112 personnes qui ont commencé la randonnée vers le nord, on estime que 89 ont survécu et se sont rendues au Québec. Bien qu’il soit dans l’intérêt des autochtones de garder leurs captifs en vie, toute personne qui n’était pas en mesure de suivre le rythme du groupe ou qui tombait malade ou blessée était tuée et laissée derrière. Malheureusement, cela affectait principalement les jeunes enfants, les nourrissons et les femmes enceintes. La propre épouse du révérend Williams, Eunice, qui n’avait accouché que six semaines auparavant, a été l’une des premières à être tuée. La mère d’Abigail a également été tuée.
Décrivant le deuxième jour de leur longue randonnée, le révérend poursuit : « On m'a fait patauger dans une petite rivière, tout comme les Anglais, l'eau au-dessus des genoux, le ruisseau très rapide ; et après cela, monter une petite montagne ; mes forces étaient presque épuisées… J'ai demandé à chacun des prisonniers (lorsqu'ils me dépassaient) à son sujet [son épouse Eunice], et j'ai entendu qu'en traversant la rivière mentionnée ci-dessus, qu'elle est tombée et que sa tête et ses oreilles se sont plongées dans l'eau; après quoi elle n'a pu voyagé loin », et incapable de suivre a été tuée. » [iv] [Notre traduction]
Lorsqu'ils ont atteint la rivière Connecticut, les Autochtones ont utilisé des traîneaux pour transporter leurs guerriers blessés ainsi que les plus jeunes enfants. D'autres enfants ont été emportés. Williams a écrit: « ma plus jeune fille, âgée de sept ans, a été portée pendant tout le voyage et a été gardée avec beaucoup de tendresse. Mon plus jeune fils, âgé de 4 ans, a été merveilleusement préservé de la mort ; car bien que ceux qui le portaient ou le tiraient sur des traîneaux étaient fatigués de leurs voyages, mais leurs humeurs sauvages et cruelles étaient si dominées par Dieu, qu'ils ne l'ont pas tué […] ». Pour les adultes, la marche a été beaucoup plus difficile. Williams a évoqué le 19e jour, « Ma marche sur le fleuve français (Winooski) a été très douloureuse; par crainte d'un dégel, nous l'avons parcouru à un très bon rythme; mes pieds étaient tellement meurtris et mes articulations si déformées par ce voyage dans des chaussures de neige, que je pensais qu'il était impossible de tenir le coup. » [v] [Notre traduction]
Selon le compte-rendu de Williams, le groupe a marché vers le nord le long de la rivière du Connecticut gelée, puis a remonté la rivière Wells et a descendu la rivière Winooski avant d'atteindre finalement le lac Champlain, qui chevauche la frontière, dormant la nuit dans des abris rudimentaires et des wigwams de broussailles et d'épinettes coupées.
Du lac Champlain, le groupe s'est rendu à Chambly et s'est dispersé, chaque ravisseur autochtone emmenant ses captifs dans leur propre village. Là, ils ont été soit adoptés dans la communauté en tant que membres de la famille, serviteurs ou esclaves, soit gardés à des fins de rançon, soit vendus pour de l'argent.
Destins négociés
Le gouverneur Dudley a rapidement organisé des raids de représailles sur plusieurs villages acadiens : Pentagouet, Passamaquoddy Bay, Grand Pré, Pisiquid et Beaubassin. Ses hommes devaient capturer des villageois qui pourraient être utilisés dans un échange de prisonniers avec ceux qui ont été capturés à Deerfield. En même temps, les résidents de Deerfield collectaient de l'argent de rançon dans l'espoir d'acheter la liberté des captifs.
Par l'an 1705, la plupart des captifs de Deerfield avaient été vendus ou échangés aux Français par leurs ravisseurs indigènes, bien que certains des plus jeunes prisonniers soient restés entre les mains des Autochtones. Ces deux groupes ont tenté d'assimiler les captifs dans leurs cultures. La priorité des Français était la conversion au catholicisme. De leur côté, les indigènes ont converti leurs captifs à leur mode de vie. L'une de ces captives était la fille du révérend Williams, Eunice, âgée de 8 ans, adoptée dans une tribu mohawk. Entièrement assimilée, elle a épousé un Mohawk à l'âge de 16 ans et n'a vu sa famille anglaise que bien plus tard dans sa vie. D'autres captifs, bien qu'ils aient finalement eu le choix de retourner en Nouvelle-Angleterre, ont choisi de rester dans leurs nouveaux foyers français ou autochtones.
À la fin de 1706, la plupart des prisonniers de Deerfield qui voulaient rentrer chez eux l'ont fait, à la suite de paiements de rançon et/ou d'échanges de prisonniers coordonnés par le gouverneur. Des 89 captifs qui se sont rendus au Québec, 36 d'entre eux y sont demeurés de façon permanente, dont ma 7e arrière-grand-mère Abigail Nims, mon 7e arrière-grand-père Josiah Rising et ma 8e arrière-grand-mère Sarah Allen. La plupart des historiens croient que ceux qui sont restés l'ont fait parce qu'ils avaient tissé des liens communautaires, familiaux et religieux avec ceux qui les entouraient et se sont complètement assimilés dans leur nouvel environnement.
Des prisonniers capturés par les Abénaquis et les Pennacook, tous sauf trois ont été vendus aux Français. Les Hurons n'ont gardé aucun de leurs captifs. Les Mohawks de Kahnawake ont mieux réussi à assimiler leurs six jeunes prisonniers dans leur communauté, dont Eunice Williams. Quant aux Iroquois, seule Hannah Hurst, 8 ans, est devenue « Iroquois de la montagne ». Les autres ont été vendus ou échangés, et deux des captifs se sont mariés plus tard et ont vécu leur vie à Oka, leurs liens avec leur village indigène se dissipant avec le temps. Ces deux captifs étaient Abigail Nims et Josiah Rising.
Grandir chez les Iroquois
Abigail a d'abord été envoyée à la Mission de la Montagne à Sault-au-Récollet, sur la Rivière-des-Prairies. Certains pensent que le ravisseur d’Abigail était Haronhiateka, chef du clan des ours de Sault-au-Récollet. Elle a été adoptée par une femme appelée Ganastarsie, probablement l'épouse de son ravisseur, et est allée vivre dans sa maison longue. Abigail était probablement chargée des tâches ménagères, telles que la collecte de l'eau, le nettoyage et la garde des petits enfants. Josiah a été emmenée à Fort-Lorette, et on n'en connait pas plus de son enfance là-bas. Les deux enfants ont appris le français et l'iroquois et se sont pleinement intégrés dans leurs nouvelles communautés. Pour sa part, Sarah a été emmenée à Kahnawake (au sud de Montréal actuel) et y est restée quelque temps, avant d'être vendue au marchand montréalais Jean Quenet.
Un livre de la fin du XIXe siècle relatant l’adoption des enfants dans les communautés iroquoises est clairement entaché de préjugés :
« Là, ils vivaient à la pure mode indienne, se roulant dans la terre avec les papooses [enfants indigènes] et les chiots avec lesquels le village grouillait, et attrapant rapidement la langue iroquoise. […] Imaginez la vie de ces enfants au fort indien. Le wigwam sombre, froid et enfumé; les vêtements dans lesquels ils avaient été arrachés de la maison devenus des chiffons et de la saleté, remplacés enfin par une couverture qui était leur robe le jour, leur lit la nuit ; aliments grossiers et désagréables; maïs pilé, trempé et bouilli dans un potage peu recommandable ; la citrouille rôtie un luxe rare ». [vi] [Notre traduction]
Josiah a reçu le nom natif de ShoentakȢanni (grossièrement traduit en « son village lui a été enlevé » ) et Abigail s'appelait TȢatogȢach (traduit par « celle qui obtient l'eau »).
[Une note au sujet deL'utilisation du caractère Ȣ dans les noms autochtones: de nombreuses langues autochtones au Canada n'avaient pas de forme écrite il y a des centaines d'années. Les communications étaient principalement orales. Les chercheurs en généalogie rencontrent souvent des actes incluant un caractère qui ressemble au chiffre 8. Le symbole 8 est en fait la ligature Ȣ, représentant le son [u] comme la voyelle u empilée au-dessus de la voyelle o. Lorsque les prêtres jésuites « traduisaient » les langues autochtones sous forme écrite, certains sons n'avaient pas d'équivalent français. Le symbole Ȣ était parfois utilisé à la fois pour le son [u], lorsqu'il se produisait avant une consonne, et pour le glissement [w], lorsqu'il se produisait avant une voyelle. On voit souvent Ȣ utilisé dans la traduction des mots de la famille des langues iroquoises, comme le huron-wendat.]
Cependant, pour le clergé canadien-français, leur objectif principal était l'éducation des enfants anglais et une conversion rapide à la foi catholique. Abigail a été éduquée par les religieuses à l'école de la mission pour filles, dirigée par la Sœur Marie des Anges, elle-même captive de la Nouvelle-Angleterre lors d'un précédent raid (lorsqu'elle s'appelait Marie Geneviève Saward). Les enfants ont appris à chanter, lire, écrire et parler français. Le catéchisme était également enseigné. Les filles ont appris à faire des tâches ménagères comme coudre, tricoter et filer. Les garçons ont appris la menuiserie, la cordonnerie, la maçonnerie et d'autres métiers.
Le 15 juin 1704, Abigail est baptisée à Notre-Dame de Montréal, où elle est appelée par son nouveau nom français, Marie Elizabeth.
Son acte de baptême se lit comme suit:
Le meme jour quinzieme de Juin de l’an mil sept cent quatre les ceremonies de batème ont été supplées par moi Prêtre soussigné a une petite fille Anglaise nommée en son pais Abigail et maintenant Marie Elizabeth née a Dearfield en la Nouvelle Angleterre Le (31 Mai [illisible]) douzième jour de juin de lan mil sept cent du mariage du feu Geoffroi Nimbs Cordonnier et de Meetabel Smeed aussi defunte. Lenfant prise audit lieu l’onzième jour de mars dernier et demeurant en la cabane dune sauvagesse de la montagne appellée Ganastarsi. La marraine a été Demoiselle Marie Elizabeth Le moyne fille de Messire Charles Le moine Ecuyer Baron de Longueil Chevalier de l’ordre de St-Louis et Capitaine dune compagnie avec Francois Brunet qui a declaré ne savoir signer de ce enquis suivant lordonannce. [vii]
Sarah a été envoyée vivre dans l’une des maisons de Quenet à Baie d’Urfé, où elle travaillait comme domestique. Elle reçut le nom français de « Marie Magdeleine Siré Hélène » et fut baptisée à Ste-Anne-du-bout-de-l'île (aujourd'hui Ste-Anne-de-Bellevue) le 31 mai 1705. Le nom Siré, cependant, n'a jamais réapparu dans les actes.
L'année suivante, Josiah a également été baptisé sous son nouveau nom français, Ignace. Son baptême a eu lieu à la mission de Sault-au-Récollet le 23 décembre 1706 à l'âge d'environ 12 ans. [viii]
À ce stade précoce de leur captivité, plusieurs visiteurs de la Nouvelle-Angleterre allaient et venaient de la mission, tentant d'obtenir la libération des enfants anglais. Abigail aurait été cachée au couvent lors de ces négociations. En 1705, cinq captifs ont été libérés et quatre se sont échappés à Deerfield. D'autres captifs ont été libérés l'année suivante. Pour des raisons inconnues, Abigail, Josiah et Sarah n'ont pas été renvoyés en Nouvelle-Angleterre. Alors que certains prisonniers anglais quittaient la mission, davantage de prisonniers étaient capturés et amenés.
« Nos deux captifs ont vu des scènes sinistres et terribles, lorsque les partis de guerre sont revenus avec des cuirs chevelus et des prisonniers. Les deux longues rangées de sauvages armés de gourdins et de haches, se formaient à l'entrée du fort. Entre eux, les captifs fatigués et endoloris ont couru pendant près de trois quarts de mile, les sauvages se moquant d'eux et les frappant en courant. Puis vint le terrible pow-wow, quand les pauvres victimes furent obligés de chanter et de danser autour d'un grand feu, tandis que leurs tourmenteurs hurlaient et criaient. Les enfants ont vu de nombreux voisins de Deerfield amenés dans le fort de cette façon. » [ix] [Notre traduction]
De 1707 à 1711, il n'y a pas eu d'échanges de prisonniers. En 1712, le gouverneur canadien proposa un échange de captifs anglais au Canada pour des prisonniers français à Deerfield. Neuf captifs anglais de Deerfield sont retournés en Nouvelle-Angleterre au mois de septembre, mais Abigail et Josiah n'étaient pas parmi eux. Le frère d'Abigail, John, faisait partie du groupe envoyé pour récupérer les captifs au Canada. Divers témoignages indiquent qu'Abigail a dit à son frère qu'elle ne voulait pas partir. Josiah a également refusé l’offre d’un parent de le ramener chez lui. Une fois le traité d'Utrecht passé, une autre tentative a été faite pour libérer les derniers captifs de Deerfield en 1714, l'esclavage n'étant plus légal.
Après son baptême en 1705, Sarah ne laissa aucune trace documentaire jusqu'en 1710. Le 27 avril de cette année, elle épousa Guillaume Lalonde dit L'Espérance à Ste-Anne-du-bout-de-l'île. Un habitant, il avait 25 ans. Elle en avait 17. Alors que son nouveau mari n'était pas en mesure de signer l'acte de mariage, elle le pouvait, en écrivant simplement « M M Helene ».
Cinq ans plus tard, ce fut au tour d'Abigail et Josiah de se marier. Le 29 juillet 1715, Abigail, 15 ans, a épousé Josiah, 21 ans. L'acte les nomment Ignace ShoentakȢanni et Elizabeth TȢatogȢach, et indique que les deux Anglais veulent rester avec les Indiens chrétiens, non seulement renonçant à leur nation mais souhaitant même de vivre « en sauvages ». [x]
Le père de Josiah, John Rising, est décédé en 1719. Dans son testament, il lègue à Josiah cinq livres, à condition qu’il revienne en Nouvelle-Angleterre. Il n'est jamais revenu.
En 1721, la mission de la Montagne est déménagée de Sault-au-Récollet au Lac-des-Deux Montagnes (l'actuel Oka). Les prêtres sulpiciens accordèrent à Abigail et Josiah un terrain assez important. Ils sont devenus cultivateurs et s'occupaient de leur terre.
Abigail et Josiah ont eu au moins 8 enfants [xi] :
Marie Madeleine (1716-1796) est devenue une religieuse, appelée sœur Saint-Herman.
Amable Simon (1719-1788) est devenu prêtre.
Marie Anne (ca. 1721-1787) a marié Louis Séguin dit Ladéroute
Marie Catherine (ca. 1723- ?) a marié Jean Baptiste Séguin dit Ladéroute
Marie Anastasie (ca. 1725-1798) a marié Jean Baptiste Sabourin, puis Pierre Castonguay
Suzanne (ca. 1727- ?) a marié Joseph Gentien dit Chénier
Marie (1735-1811) est devenue une religieuse, appelée sœur Saint-Ignace. Elle a obtenu le titre de supérieure générale de sa congrégation locale.
Jean Baptiste Jérôme (1740-1795) a marié Marie Charlotte Sabourin, s’est installé sur la propriété de son père et a eu 10 enfants. Il avait voulu devenir prêtre mais n'a pas pu. Au lieu, il a fait de sa maison une communauté religieuse, acceptant les pauvres, les orphelins et les démunis.
Sarah et Guillaume ont eu au moins 12 enfants [xii] :
Edouard (1712-1778) a marié Suzanne Sédilot dite Montreuil
Marie Louise (1713-1714)
Louis (1715-1777) a marié Marie Louise Picard
André (1717-1800) a marié Marie Josèphe Diel
Albert (1719-1807) a marié Marie Angélique Montpetit dite Potvin
Marie François (1721-1806) a marié Marie Elisabeth Isabelle Réaume
Marie Josèphe (1724-1781) a marié Thomas Watier dit Lanoix
Joseph Marie (1725-1817) a marié Marguerite Sarrazin dite Depelteau
Marie Geneviève (1727-1792) a marié Charles Lecompte dit Lafleur
Guillaume (1730-1792) a marié Marie Charlotte Charles Brais
Marie Anne (1732-1819) a marié François Beriau
Jean Baptiste (1734-1805)
Abigail Nims est décédée à l'âge de 46 ans le 3 janvier 1747 à Oka. [xiii] Au cours des derniers jours d'une maladie mortelle, elle aurait refusé d'enlever sa chemise de cheveux, qu'elle portait toujours comme pénitence.
Sarah Allen est décédée à l'âge de 72 ans le jour de Noël 1764 à Les Cèdres, où elle a été inhumée le lendemain. [xiv]
Josiah Rising est décédé à l'âge de 77 ans vers le 30 décembre 1771 à Oka. [xv]
Le nom Rising est devenu "Raizenne" en français. La maison Raizenne, construite en 1721, est la plus ancienne maison d'Oka. Elle est demeuré dans la famille Raizenne pendant 231 ans. Aujourd'hui propriété de la famille Beaupré, elle a même été utilisée dans une scène pour le tournage de X-Men, Apocalypse (remplaçant une maison en Pologne).
Plusieurs des enfants Raizenne ont eu leur propre famille nombreuse. En conséquence, des milliers de Canadiens Français peuvent trouver Abigail Nims et Josiah Rising dans leurs arbres généalogiques.
Pour voir une liste de tous les captifs de Deerfield ainsi que leur sort, cliquez ici.
Pour voir des photos de l'actuel « Historic Deerfield » au Massachusetts, cliquez ici.
Pour consulter des courtes biographies de tous les participants au raid de Deerfield en 1704, visitez le site http://1704.deerfield.history.museum/people/short_bios.jsp par la Pocumtuck Valley Memorial Association (PVMA) / Memorial Hall Museum (en anglais seulement).
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Bibliographie et lecture complémentaire :
Baker, C. Alice. 1897. True Stories of New England Captives Carried to Canada during the Old French and Indian Wars. Greenfield, Mass. : Press of E. A. Hall & Co. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 407 pages.
Fournier, Marcel. 1992. De la Nouvelle-Angleterre à la Nouvelle-France : L’histoire des captifs anglo-américains au Canada entre 1675 et 1760. Montréal, Québec : Société généalogique canadienne-française. 280 pages.
Haefeli, Evan et Kevin Sweeney. 2006. Captive Histories: English, French, and Native Narratives of the 1704 Deerfield Raid. Amherst and Boston, Mass. : University of Massachusetts Press. 298 pages.
Historic Deerfield, Inc. 2008. The French and Indian Raid on Deerfield, Massachusetts, February 29, 1704. Deerfield, Mass. : Historic Deerfield Publications. 62 pages.
Johnson, Clifton. 1897. An Unredeemed Captive: Being the Story of Eunice Williams. Holyoke, Mass. : Griffith, Axtell & Cady Company. 54 pages. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/).
Ontario Métis Family Records Center. Sep 2016. « The Raizenne Legacy » (https://www.omfrc.org/2016/09/the-raizenne-legacy/).
Pocumtuck Valley Memorial Association (PVMA) / Memorial Hall Museum. « Raid on Deerfield: The Many Stories of 1704 » (http://1704.deerfield.history.museum/home.do#).
Williams, John. 1833. The Redeemed Captive: A Narrative of the Captivity, Sufferings, and Return of the Rev. John Williams, Minister of Deerfield, Massachusetts, who was Taken Prisoner by the Indians on the Destruction of the Town, A.D. 1704. New York, NY : S.W. Benedict & Company. 116 pages. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/).
Citations:
[i] Johnson, Clifton. 1897. An Unredeemed Captive: Being the Story of Eunice Williams. Holyoke, Mass. : Griffith, Axtell & Cady Company. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 28.
[ii] Ibid. 30-31.
[iii] Williams, John. 1833. The Redeemed Captive: A Narrative of the Captivity, Sufferings, and Return of the Rev. John Williams, Minister of Deerfield, Massachusetts, who was Taken Prisoner by the Indians on the Destruction of the Town, A.D. 1704. New York, NY : S.W. Benedict & Company. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 9.
[iv] Historic Deerfield, Inc. 2008. The French and Indian Raid on Deerfield, Massachusetts, February 29, 1704. Deerfield, Massachusetts : Historic Deerfield Publications. 12.
[v] Ibid. 16-17.
[vi] Baker, C. Alice. 1897. True Stories of New England Captives Carried to Canada during the Old French and Indian Wars. Greenfield, Mass. : Press of E. A. Hall & Co. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 237-8.
[vii] « Quebec, Canada, Vital and Church Records (Drouin Collection), 1621-1968 ». Image numérique. Ancestry.ca (www.ancestry.ca). Acte de baptême de Marie Elizabeth Nimbs, 15 juin 1700, Notre-Dame de Montréal. Citant les données originales : Gabriel Drouin. Collection Drouin. Montréal, Québec, Canada : Institut Généalogique Drouin.
[viii] Baker, C. Alice. 1897. True Stories of New England Captives Carried to Canada during the Old French and Indian Wars. Greenfield, Mass. : Press of E. A. Hall & Co. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 238.
[ix] Ibid. 241.
[x] Ibid. 247.
[xi] Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l'Université de Montréal (https://www.prdh-igd.com). Entrée du dictionnaire pour IGNACE RAIZENNE SHOENTAKOUANI et MARIE ELISABETH NIMBS TOUATOGOUACH (union no. 11967).
[xii] Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l'Université de Montréal (https://www.prdh-igd.com). Entrée du dictionnaire pour GUILLAUME LALONDE et MARIE MADELEINE HELENE ALLEN (union no. 10633).
[xiii] Baker, C. Alice. 1897. True Stories of New England Captives Carried to Canada during the Old French and Indian Wars. Greenfield, Mass. : Press of E. A. Hall & Co. Numérisé par Google Books (https://play.google.com/books/). 248.
[xiv] « Quebec, Canada, Vital and Church Records (Drouin Collection), 1621-1968 ». Image numérique. Ancestry.ca (www.ancestry.ca). Acte de sépulture pour Madeleine Helene, 26 décembre 1764, Les Cèdres. Citant les données originales : Gabriel Drouin. Collection Drouin. Montréal, Québec, Canada : Institut Généalogique Drouin.
[xv] Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l'Université de Montréal (https://www.prdh-igd.com). Entrée du dictionnaire pour IGNACE RAIZENNE SHOENTAKOUANI (personne no. 67609).