Mère de famille
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La Mère de famille
En Nouvelle-France, le rôle le plus important qu'une femme pouvait jouer était celui d'épouse et de mère. La nouvelle colonie avait du mal à augmenter sa population, en particulier par rapport à la Nouvelle-Angleterre, de sorte que diverses mesures ont été prises par les administrateurs afin d'attirer des groupes de colons. Un tel groupe était celui des « Filles du roi », quelque 700 femmes célibataires envoyées en Nouvelle-France entre 1663 et 1673.
La plupart des femmes nouvellement arrivées dans la colonie, y compris les Filles du roi, se sont mariées rapidement et ont eu des familles assez nombreuses. C'était également le cas des Canadiennes, nées en Nouvelle-France. Voici un bref aperçu de la vie quotidienne de ces mères de famille et des difficultés qu'elles ont endurées au cours de leurs vies.
Grossesse et accouchement
Environ huit à onze mois après son mariage, une nouvelle mariée donnait normalement naissance au premier enfant du couple. Après cette première naissance, elle aurait un autre enfant à tous les 24 à 28 mois en moyenne, jusqu'à l'âge d'environ 41 ans. Au 17e siècle, un couple avait généralement de six à huit enfants ; au 18e, de quatre à six (tant qu'il n'était pas stérile).
De l’autre côté, il y avait des couples qui ne pouvaient pas avoir d'enfants. Il n'y avait clairement aucune solution à l'infertilité à l'époque, donc les femmes qui ne pouvaient pas concevoir étaient souvent blâmées et méprisées par leur communauté.
En Nouvelle-France, être enceinte, surtout au début d'un mariage, était la norme. Avoir une « blessure » (ce qu’on appelait une fausse couche) était malheureusement très courant. En plus de cela, une mère devait généralement faire face à la mort prématurée d’un ou plusieurs de ses enfants. En moyenne, deux enfants sur cinq sont morts avant l'âge de 15 ans. Les fausses couches et la mortalité infantile causaient traumatismes et chocs émotifs chez les mères.
Les mères de familles craignaient également l’accouchement lui-même, qui était extrêmement douloureux et pouvait mettre leur vie en danger. Environ 1 à 2% des femmes perdaient la vie dans les 60 jours suivant l'accouchement, malgré l'aide et le soutien de la famille, des voisins et de la sage-femme. Sans médecine et commodités modernes, la grossesse et l'accouchement étaient physiquement exigeants et douloureux, voire dangereux.
Après l'accouchement, la mère était complètement épuisée. Elle avait besoin de trois ou quatre semaines pour récupérer complètement. À la campagne, cependant, elle n'avait pas cette option. La mère de famille avait d'autres enfants à s'occuper, ainsi que des animaux et un jardin à entretenir. C'est la raison pour laquelle le risque de décès maternel était si élevé. Elle allaitait le bébé, non seulement pour sa santé, mais aussi pour allonger l'intervalle entre les grossesses (pour donner à son corps le temps de se reposer et de récupérer).
Voici un triste exemple tiré de mon propre arbre généalogique. Ma 6e arrière-grand-mère, Marie Angélique Barthélémy dite Rosa, s'est mariée à l’âge de 23 ans en 1749. Neuf mois et demi après son mariage, elle a eu son premier enfant, qui a été baptisé et enterré le jour même. Elle a ensuite eu 12 autres enfants, dont la moitié sont morts avant l'âge de cinq ans. Marie Angélique a eu son dernier enfant en 1763 à l'âge de 37 ans. Elle est décédée un mois plus tard, probablement en raison de complications liées à l'accouchement.
Saviez-vous que le mot bébé, emprunté à l’anglais « baby », n’existait pas avant 1841 ?
On l’appelait plutôt nouveau-né, ou nourrisson.
Rôles traditionels
À la campagne, les mères de familles s'occupaient de la maison (mieux vaudrait dire cabane) et des enfants, de les élever et les éduquer. Elles étaient chargées de l'eau et du feu : aller chercher l'eau du puits, faire le nettoyage et le lavage, ainsi que fabriquer du savon et des bougies à partir de suif. Elles étaient également responsables de la préparation de tous les repas, de la cuisson du pain et de la fabrication du beurre, ainsi que l'entretien du jardin, qui contenait légumes et tabac, et du bétail. Les mères de famille devaient également veiller aux vêtements, raccommoder et coudre au besoin. Tout cela, même si elles étaient enceinte. Pendant les récoltes du printemps et de l'été, elles aidaient également leurs maris avec les travaux agricoles et les récoltes de blé, même si leur grossesse était avancée. Forcément, ce travail acharné pouvait entraîner des « blessures » ou des fausses-couches.
Les maris étaient généralement chargés des transactions financières, du troc et du commerce, de la culture (de plantes), de la fabrication de meubles et de la coupe du bois. Typiquement, ils n'étaient pas impliqués dans l’élevage et l'éducation de leurs enfants. Cependant, ces rôles n'étaient pas strictement imposés. Les femmes aidaient souvent leurs maris dans les champs, et les hommes pouvaient aider aux travaux ménagers.
À la ville, les mères de famille s'occupaient toujours de leur ménage et élevaient les enfants. Elles pouvaient également conserver d'autres emplois afin d’aider la famille financièrement, devenant blanchisseuses, serveuses, couturières ou en gérant des cabarets et des auberges aux côtés de leurs maris.
Bibliographie :
Laberge, Alain. 1994. « La famille en Nouvelle-France : mythes et réalités ». Cap-aux-Diamants, (39), 10–12. Numérisé par Érudit (https://www.erudit.org/fr/revues/cd/1994-n39-cd1042227/8652ac.pdf).
Lachance, André. 2004. Vivre à la ville en Nouvelle-France. Outremont, Québec : Éditions Libre Expression, 23-30.
Landry, Yves, 1992. Orphelines en France, pionnières au Canada. Les Filles du roi au XVIIe siècle ; suivi d’un répertoire biographique des Filles du roi (Montréal, Québec : Leméac).
Noel, Jan. 1998. Les femmes en Nouvelle-France. Ottawa: Société historique du Canada. Brochure historique n° 59, numérisé par la Société historique du Canada (https://cha-shc.ca/_uploads/5c38c4aa82776.pdf).