Le Couple Cloutier-Dupont
Zachary Cloutier et Sainte Dupont sont connues comme les immigrants les plus prolifiques à venir au Canada. On dit que Zacharie est l'ancêtre unique de tous les Cloutier de la Nouvelle-France et l'ancêtre de nombreuses personnes célèbres, sans parler de dizaines de milliers de canadiens et d'américains.
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Zacharie Cloutier et Sainte Dupont
Les immigrants les plus prolifiques du Canada
Il ne serait pas exagéré de dire que Zacharie Cloutier et Sainte Dupont ont été l'un des couples les plus importants à venir en Nouvelle-France pour s'installer et aider à peupler ce qui allait devenir le Québec. En fait, si vous avez des racines canadiennes françaises, il est probable que vous les retrouviez dans votre arbre généalogique, peut-être même plusieurs fois. Parmi les premiers colons arrivés en Nouvelle-France, le couple a eu six enfants, dont cinq ont vécu jusqu'à l'âge adulte et ont eu leurs propres familles. Au tournant du 19e siècle, les registres paroissiaux du Québec montraient des mariages pour 10 850 de leurs descendants, bien plus que tout autre ancien colon.
Des débuts modestes à Mortagne-au-Perche en Normandie
Zacharie Cloutier (parfois orthographié Cloustier), fils de Denis Cloutier et Renée Brière, est né vers 1590 à Mortagne-au-Perche, Perche, France (aujourd'hui Mortagne-au-Perche, Orne, Normandie, France), l'un de 9 enfants. Son père Denis était probablement menuisier et cordier. Sainte (parfois orthographiée Xainte) Dupont, fille de Paul-Michel Dupont et Perrine (nom de jeune fille inconnu), est née vers 1596 également à Mortagne-au-Perche. Nous connaissons également les noms des grands-parents paternels de Sainte : Denis Dupont et Xainte Aubry.
Zacharie était le deuxième mari de Sainte. Elle a épousé son premier mari, Michel Lermusier, dans la paroisse St-Jean de Mortagne-au-Perche le 26 février 1612. Elle avait 16 ans. Le couple n'a pas eu d'enfants, car Lermusier est décédé prématurément peu de temps après leur mariage.
Zacharie et Sainte se sont mariés dans la même paroisse le 18 juillet 1616. Il avait 26 ans ; elle avait 20 ans. Ensemble, ils eurent 6 enfants à Mortagne-au-Perche : Zacharie (né le 16 août 1617), Jean (né le 13 mai 1620), Sainte (née le 1er novembre 1622, inhumée le 19 septembre 1632), Anne (née le 19 janvier 1626), Charles (né le 3 mai 1629) et Marie-Louise (née le 18 mars 1632).
Voyage au Nouveau Monde
L'histoire canadienne de Zacharie commence en mars 1634. Avec son compatriote français Jean Guyon du Buisson, Zacharie signe un contrat avec Robert Giffard, seigneur de Beauport, pour aller en Nouvelle-France et travailler comme maître charpentier et défricheur pour une période de 3 ans. À cette époque, Zacharie était considéré comme le meilleur charpentier de Mortagne — Giffard recherchait ses compétences pour aider à bâtir la colonie de Samuel de Champlain dans le Nouveau Monde. Ça dû être une décision difficile et courageuse, car Zacharie savait probablement qu'il ne reviendrait jamais sur le sol français.
Le contrat signé avec Giffard stipulait que Zacharie, Jean et leurs deux fils aînés auraient droit à la moitié des terres qu'ils avaient défrichées sur la seigneurie de Beauport, seraient nourris et que leurs besoins généraux seraient satisfaits, ainsi que ceux des membres de leur famille. Giffard a également promis de leur donner chacun 2 vaches s'il en avait plus de 4 et de leur construire une maison pour chacun. Les Cloutiers recevraient 1 000 arpents (342 hectares) de terre en fief appelé la « Clousterie » (également appelée « La Clouterie » et « La Cloutièrerie »). La terre de Guyon a été surnommée « du Buisson ». Les deux hommes avaient le droit de chasser, de pêcher et de faire du commerce avec les « sauvages » (un terme péjoratif, plus utilisé, pour décrire les peuples autochtones), une rareté dans les contrats à l'époque. Le contrat stipulait également que Giffard avait le droit d'exiger « foy et hommage » de Zacharie et Jean, ce qui deviendrait plus tard problématique dans leur relation de travail.
Zacharie était l'un de nombreux français recrutés par Giffard pour s'installer le long de la rivière Beauport. Avant l'arrivée des recrues de Giffard, la colonie de la Nouvelle-France comptait moins de 100 personnes. Attirer plus de colons était essentiel à la survie de l'avant-poste français éloigné.
Comme leur point de départ à voile était Dieppe, la famille Cloutier a dû parcourir une distance de plus de 200 kilomètres de Mortagne-au-Perche, probablement dans une charrette tirée par des chevaux, remplie de meubles, d'articles ménagers, de fournitures et de tout autre objet personnel qu'elle voulait apporter avec eux.
Zacharie Cloutier et Jean Guyon ont quitté Dieppe avec leurs familles, aux côtés de Robert Giffard et de sa famille. Plus d'un mois plus tard, ils débarquent à Québec le 4 juin 1634 et sont accueillis par Samuel de Champlain lui-même, soulagé de voir enfin arriver un contingent français. Le premier rendez-vous des nouveaux colons après avoir mis les pieds à terre a été une visite à l'église Notre-Dame de Recouvrance afin de rendre grâce pour leur passage en toute sécurité. Les nouveaux arrivants ont ensuite été loger par des familles québécoises, mais pas pour longtemps. Avant la fin du mois, les recrues de Giffard travaillaient déjà sur sa seigneurie de Beauport, défrichant le terrain et construisant des maisons pour les colons. Zacharie et Jean ont ensuite été chargés de construire le magnifique manoir de Giffard, situé près de la rivière Notre-Dame.
Une fois leurs obligations contractuelles remplies, Cloutier et Guyon ont officiellement pris possession de leurs terres à Beauport le 3 février 1637. Ils ont vécu ici pendant plusieurs années, comme en témoignent les nombreux actes notariés qui portent leur nom. Même s'il était analphabète et ne pouvait pas signer son nom, Zacharie a toujours insisté pour officialiser tous les accords auxquels il avait participé. Tout au long de sa vie, il dessinerait quelque chose de similaire à une hache comme marque sur les documents, symbolisant son métier de charpentier. Un exemple de sa marque d'un contrat est ci-dessous. [Note : ce contrat de mariage de 1636 entre Anne, la fille de 10 ans de Zacharie et Robert Drouin, serait le premier contrat de mariage signé au Canada. Même si nous savons que les filles en Nouvelle-France se sont mariées très jeunes, Anne l'était extrêmement. Le contrat stipulait que son mariage avec Drouin, âgé de 30 ans, ne serait consommé qu'un an plus tard.]
Au début, les familles Cloutier et Guyon vivaient ensemble sous le même toit. Après un certain temps, Zacharie a construit sa propre maison sur la Clousterie. Ses compétences de charpentier sont très recherchées : Zacharie participe à la construction du château St-Louis (résidence officielle du gouverneur de la Nouvelle-France), d'un presbytère jésuite, d'une redoute à batterie sur les quais de la basse-ville de Québec, et de nombreuses maisons de colons. Zacharie et Sainte ont continué à vivre à Beauport pendant un certain temps ; au fil des ans, chacun de leurs enfants s'est marié et a quitté le domicile familial.
En 1646, une dispute curieuse et plutôt inexplicable se produit entre Giffard et ses recrues Cloutier et Guyon. Probablement oublié depuis longtemps par les deux hommes, Giffard a tenté d'exercer son droit d'exiger « foy et hommage », une clause qu'il avait incluse dans leur contrat d'engagement. Nous ne savons pas pourquoi Giffard a insisté là-dessus, des années après que les trois hommes ont traversé l'océan ensemble. Selon l'ancien protocole, Zacharie et Jean auraient dû se rendre au manoir de Giffard, impeccablement vêtus, et s'agenouiller devant lui, répétant trois fois « Je vous promets foy et hommage ». Zacharie, refusant d'être humilié de cette manière, devant un homme qu'il considérait comme un égal, a rejeté cette demande. Guyon a emboîté le pas. Giffard a également affirmé que les hommes lui devaient le paiement de cens et rentes (droits annuels dus au seigneur). Lorsque Zacharie et Jean ont refusé cette deuxième demande, Giffard a demandé au gouverneur d'intervenir. Malheureusement pour les recrues, le gouverneur s'est rangé du côté de son ami Giffard. Jean, ne voulant plus prolonger le conflit, a finalement promis foi et hommage et a payé les cens et rentes. Zacharie a toujours refusé de s'agenouiller mais a payé une fois qu'il y a été contraint par une autre décision de justice. Cette tension entre Giffard et ses deux recrues était cependant loin d'être terminée. Giffard les a amenés devant les tribunaux maintes fois, apparemment pour des questions triviales. Une plainte rédigée en 1659 déclarait que les animaux de ferme des hommes empiétaient et pâturaient sur la propriété de Giffard (bien que Giffard ait autorisé les animaux d’autres colons à errer sans problème sur sa propriété). Les historiens n’ont pas pu déterminer la raison de la campagne inébranlable de malveillance de Giffard contre Zacharie et Jean.
À la fin de 1659, Zacharie et Sainte avaient un nid vide, suite au départ de leur plus jeune fils Charles. Zacharie, bien qu'il entreprenne encore des travaux de charpenterie, laisse le travail agricole plus pénible à son gendre Jean Mignot. En 1666, le tout premier recensement de la Nouvelle-France montre le couple Cloutier vivant à Château-Richer, à environ 20 kilomètres au nord-est de Beauport. Zacharie, un « habitant », avait 76 ans et Sainte avait 70 ans. Le document montre également que le couple avait 2 bêtes à cornes (probablement des vaches). Nous ne savons pas exactement quand ils ont déménagé à Château-Richer, mais Zacharie y avait reçu un terrain par le gouverneur Jean de Lauzon en 1652. Ses fils s'étaient également installés à Château-Richer. Zacharie vend finalement son terrain de Beauport à Nicolas Dupont de Neuville en 1670.
En 1669, Zacharie et Sainte se présentent devant un notaire pour signer un acte de donation à leur fils aîné Zacharie et à son épouse Madeleine Esmard (ou Émard), qui vivent sur une grande ferme à Château-Richer. Dans ce document, ils font don de leurs terres, meubles et autres biens à leur fils et leur belle-fille. En retour, Zacharie et Madeleine doivent leur fournir un foyer, de la nourriture, des vêtements, des chaussures, du linge de maison et assurer leur santé et leur bien-être.
Zacharie Cloutier est décédé à l'âge de 87 ans le 17 septembre 1677 à Château-Richer, où il a été inhumé au cimetière de l'église un jour plus tard. Sainte Dupont est décédée à l'âge de 84 ans le 14 juillet 1680 à Château-Richer, où elle a également été enterrée au cimetière paroissial le lendemain.
Un héritage important
Zachary et Sainte sont connus comme les immigrants les plus prolifiques à venir au Canada. Zacharie serait l'ancêtre unique de tous les Cloutier de la Nouvelle-France et l'ancêtre de nombreuses personnes célèbres, dont Céline Dion, Jack Kerouac, Madonna, Justin Trudeau, Camilla Parker-Bowles et bien d'autres. Le « Zacharie Cloutier » est même le nom d'un fromage au lait de brebis produit par la Fromagerie Nouvelle France.
Il y a plusieurs endroits au Québec qui commémorent Zacharie Cloutier :
Le Parc Zacharie-Cloutier est situé à Beauport sur un terrain qui faisait partie du fief de Zacharie. Une plaque créée en son honneur par l’Association des Cloutier d’Amérique y est également située.
Le Pont Zacharie-Cloutier enjambe la rivière Sault-à-la-Puce à Château-Richer, sa source se trouvant près des terres ancestrales de Zacharie.
La rue Zacharie-Cloutier est située à Beauport.
Château-Richer lui-même est considéré comme la patrie de la famille Cloutier, où au moins 10 générations ont vécu depuis 1641.
Autre fait intéressant : si le nom Cloutier / Cloustier était relativement courant dans le Perche des XVIe et XVIIe siècles, le nom est aujourd'hui absent dans l'ensemble du département de l'Orne en France.
Plaques commémoratives affichées à Mortagne-au-Perche (© Association Perche-Canada ; photos utilisées avec permission)
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Une condition médicale héritée ?
La dystrophie musculaire oculopharyngée (DMOP) est une maladie génétique caractérisée par une maladie musculaire à progression lente (myopathie) affectant les muscles des paupières supérieures et de la gorge. L’apparition de la maladie se produit généralement à l'âge adulte, souvent entre 40 et 60 ans. Les symptômes peuvent inclure un affaissement des paupières (ptose), une faiblesse des bras et des jambes et des difficultés à avaler (dysphagie). La maladie se trouve le plus souvent chez les canadiens-français, où elle est estimée toucher 1 personne sur 1 000. Les patients de DMOP d'origine canadienne-française peuvent généralement trouver un couple ancestral commun dans leur arbre : Zacharie Cloutier et Sainte Dupont. Des chercheurs ont pu retracer les porteurs du gène affecté à Zacharie Cloutier (fils) et Madeleine Esmard (ou Émard). Le traitement dépend des symptômes présentés et peut parfois inclure une intervention chirurgicale. Si vous présentez l'un de ces symptômes et que le couple Cloutier-Esmard est dans votre arbre généalogique, vous devriez peut-être le mentionner à votre médecin.
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Sources :
« Quebec, Vital and Church Records (Drouin Collection), 1621-1967, » images numériques, Ancestry.ca (http://www.ancestry.ca), acte de sépulture pour Zacharie Cloutier, 18 septembre 1677, Château-Richer, Québec ; citant des données originales : Gabriel Drouin, comp. Drouin Collection. Montreal, Quebec, Canada: Institut Généalogique Drouin.
« Quebec, Vital and Church Records (Drouin Collection), 1621-1967, » images numériques, Ancestry.ca (http://www.ancestry.ca), acte de sépulture pour Sainte Dupont, 14 juillet 1680, Château-Richer, Québec ; citant des données originales : Gabriel Drouin, comp. Drouin Collection. Montreal, Quebec, Canada: Institut Généalogique Drouin.
Raoul Clouthier, Les CLOUTIER de Mortagne-au-Perche en France et leurs descendants au Canada, 1973, numérisé en 2002 par Pierre Cloutier (https://dubuc-landry.ca/autres/Cloutier%20Zacharie%20-%20Xainte%20Dupont-TNG.pdf).
Jan Gregoire Combs, Our Tangled French Canadian Roots: A History of the People who Were Part of Our Gregoire, Adam, Martel, and Beaudry Lines, (Canada, auto-publié, 2009), 197, numérisé sur Google Books (https://books.google.ca/).
Fédération québécoise des sociétés de généalogie, base de données Fichier Origine (http://www.fichierorigine.com), entrée pour Zacharie Cloutier (personne 240944), mise-à-jour le 13 septembre 2015.
Fédération québécoise des sociétés de généalogie, base de données Fichier Origine (http://www.fichierorigine.com), entrée pour Sainte Dupont (personne 241403), mise-à-jour le 13 septembre 2015.
Honorius Provost, « CLOUTIER, ZACHARIE », dans le Dictionary of Canadian Biography, vol. 1, University of Toronto/Université Laval, 2003 (http://www.biographi.ca/en/bio/cloutier_zacharie_1E.html).
Jacques Saintonge, Nos Ancêtres volume 5 (Ste-Anne-de-Beaupré, Éditions Ste-Anne-de-Beaupré, 1983), « Zacharie Cloutier », 31-36.
Marcel Trudel, Catalogue des Immigrants, 1632-1662 (Montréal: Éditions Hurtubise HMH, 1983), « Zacharie Cloutier », 34.
Université de Montréal, Programme de recherche en démographie historique (https://www.prdh-igd.com), « Les Pionniers ».
Ville de Québec, « Toponymie : Fiche Zacharie-Cloutier » (https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/patrimoine/toponymie/fiche.aspx?idFiche=4882).